| Pourvu de nouveaux gouvernements dans trois de ses pays membres - incluant 
        les plus importants du point de vue du poids économique - on est 
        en droit de se demander si le MERCOSUR n'est pas en train d'inaugurer 
        une nouvelle étape de son développement, après avoir 
        connu une longue période d'incertitude et de stagnation.  Les déclarations claires du président Lula quant à 
        l'importance que le Brésil attribue au MERCOSUR constituent des 
        signaux positifs en faveur le l'avenir du projet commun d'intégration 
        avec l'Argentine, le . Paraguay et l'Uruguay. Toutefois, si l'on cherche 
        à établir des éléments objectifs favorables 
        à la crédibilité du MERCOSUR aux yeux des citoyens, 
        investisseurs et pays tiers, ces déclarations doivent encore se 
        voir traduites par des propositions concrètes. Ces propositions 
        devraient refléter une réelle volonté politique de 
        la part des partenaires, et plus particulièrement des deux plus 
        grands, à respecter leurs engagements volontaires et à mettre 
        fin à la tendance récurrente des pratiques unilatéc 
        raIes qui transgressent ou faussent ces engagements. Autrement dit, le 
        MERCOSUR ne parviendra à recouvrer sa crédibilité 
        que dans la mesure où les faits pourront démontrer qu'il 
        est déterminé par des règles qui sont respectées 
        (rule-oriented process) [1]. La question préalablement posée fait sens pour, tout au 
        moins, deux motifs. D'abord, parce que l'on constate dans les quatre pays 
        membres la tenue d'un débat récurrent sur le futur du :MERCOSUR 
        [2]. Ensuite, parce que c'est de la portée et de la qualité 
        des méthodologies et des instruments d'intégration utilisés 
        ultérieurement que dépendra la capacité du groupe 
        régional de constituer un cadre efficace à la transformation 
        productive de chaque partenaire et de fonctionner en tant que plate-forme 
        permettant de mieux prendre part à la concurrence et aux négociations 
        internationales.  Un débat nécessaire  Le MERCOSUR a-t-il un avenir? Le cas échéant, à 
        quelles méthodologies de l'intégration devrait-on recourir 
        quant à sa construction future? Comment le groupement régional 
        développera-t-il ses relations avec d'autres processus de libéralisation 
        commerciale auxquels participent ses membres? En particulier dans le cadre 
        des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques 
        (ZLEA) [3] ou du "4+1" , MERCOSUR-Etats-Unis? Comment potentialiser 
        les résultats déjà engrangés - tant au niveau 
        commercial que politique - et comment profiter des leçons tirées 
        des expériences antérieures? Comment tendre à plus 
        d'efficacité en matière de concurrence et de négociation 
        sur le plan international ?  Ces différentes questions sont actuellement débattues avec 
        une intensité croissante dans les pays membres. Il s'agit d'un 
        débat positif et opportun. Positif car il est salutaire de soumettre 
        à la critique constructive un processus politique et économique 
        qui influe sur la qualité de l'insertion internationale de chacun 
        des pays membres et qui, durant ces dernières années, a 
        montré de sérieuses imperfections. Opportun dans la mesure 
        où il coïncide avec de nouvelles périodes gouvernementales 
        dans trois pays du :MERCOSUR (Argentine, Brésil et Paraguay), avec 
        l'avancée de négociations complexes et aux résultats 
        incertains quant à leurs conclusions au sein de l'Organisation 
        Mondiale du Commerce (OMC), de la ZLEA, ainsi qu'avec l'Union eùropéenne 
        (DE), et, enfin, avec la mise en place d'un agenda de sécurité 
        internationale (globale et régionale) qui éprouve la capacité 
        des membres à articJ.Ùer leurs visions et intérêts 
        au niveau extérieur. Particulièrement dans leur relation 
        avec les Etats-Unis. L'expérience de l'UE lors de la récente 
        guerre en Irak démontre qu'il est malaisé de concilier les 
        politiques étrangères des différents Etats membres 
        d'un même espace d'intégration économique.  Deux facteurs au moins favorisent ce débat. D'une part, la perception 
        selon laquelle, malgré les importants résultats engrangés 
        au cours des deux dernières décennies - c'est-à-dire 
        à partir du lancement en 1986 du Programme d'intégration 
        bilatérale entre l'Argentine et le Brésil qui débouchera 
        ensuite sur sa création - la situation du MERCOSUR est loin d'être 
        positive. Ce dernier connaît un problème de crédibilité 
        tant interne qu'externe suscité par la mauvaise situation économique 
        qui, à partir de 1998, affectera ses membres (aggravée récemment 
        par la crise argentine et; en outre, par le comportement de l'économie 
        brésilienne) et qui influera sur la détérioration 
        des échanges commerciaux ainsi que sur les stratégies menées 
        par les entreprises dans des secteurs d'importance comme celui de l'automobile. 
        Ce problème est également dû à la piètre 
        qualité des règles du jeu qui n'ont guère contribué 
        à générer un horizon prévisible pour les investisseurs. 
        D'ailleurs, nombreuses sont les règles qui bien que formellement 
        adoptées, ne sont jusqu'à présent pas encore entrées 
        en vigueur. En outre, il arrive régulièrement que les engagements 
        juridiques émanant du Traité d'Asunci6n ne soient pas respectés 
        [4]. D'autre part, le débat a été suscité du fait 
        que, dans son état actuel, le MERCOSUR ne constitue pas un instrument 
        totalement efficace pour la transformation productive, la compétitivité 
        internationale et les négociations commerciales entre les membres. 
        Bien qu'il ne soit pas responsable des sérieux problèmes 
        économiques rencontrés par certains pays du bloc, le MERCOSUR 
        n'a guère contribué à en contrecarrer ou à 
        en atténuer les effets.  Un débat à deux dimensions  Deux dimensions émergent dans le débat actuel. L'une est 
        existentielle, l'autre méthodologique ou instrumentale.  Le caractère existentiel se réfère au sens stratégique 
        du travail commun, systématique et permanent entre les membres. 
        il est lié à l'opportunité d'impulser une stratégie 
        d'intégration - pas seulement économique - entre les quatre 
        partenaires et élargie au Chili. Rares sont ceux qui mettent en 
        question cette idée, et ceux qui le font proposent deux options 
        non exclusives entre elles. La première est celle d'une stratégie 
        d'insertion internationale individuelle mise en place par le truchement 
        d'accords commerciaux bilatéraux avec d'autres entités, 
        notamment avec les Etats-Unis et l'UE. Cette approche correspondrait à 
        celle adoptée par le Chili [5]. La deuxième consiste à 
        privilégier une alliance stratégique avec les Etats-Unis 
        qui aurait pour conséquence l'adoption d'un accord de libre commerce 
        bilatéral ou l'incorporation à l'Accord de libreéchange 
        nord-américain (ALENA) [6]. Dans les deux cas, ces propositions 
        auraient pour effet d'abandonner le MERCOSUR ou de le transformer en une 
        simple zone de libre commerce, voire de le diluer dans la ZLEA ou encore 
        de le limiter à sa seule dimension politique. Les hypothèses 
        concernant ce sujet ont souvent tendance à négliger les 
        effets juridiques - droits acquis par ceux qui ont investi sur base du 
        MERCOSUR formellement promis - ou de politique commerciale: si l'on décidait 
        de revenir à une simple zone de libre-échange, les parties 
        .devraient renégocier la libéralisation douanière 
        précédemment réussie, qui suppose l'existence d'un 
        tarif extérieur commun ainsi que la mise en place ultérieure 
        d'un marché commun, et négocier les règles d'origine 
        spécifiques. Quant à leurs effets sur la crédibilité 
        internationale, pourquoi faudrait-il croire aux engagements qui seraient 
        pris dans le futur par des pays qui n'ont pas réussi à respecter 
        les compromis antérieurs?  Les gouvernements actuels ont réitéré la nécessité 
        d'approfondir la stratégie d'insertion dans le monde à travers 
        le renforcement du MERCOSUR tel qu'il fut conçu à l'origine 
        - à partir de l'établissement d'une union douanière, 
        la construction graduelle d'un marché conunun, ouvert au monde 
        à travers les négociations au sein de l'OMC, avec les Etats-Unis 
        et l'UE. C'est la position qui a été adoptée par 
        le président Lula au Brésil.  Le nouveau gouvernement argentin a annoncé qu'il suivrait cette 
        même ligne de conduite, qui fut d'ailleurs celle adoptée 
        dans les faits sous les législatures respectives de Carlos Menem, 
        Fernando de la Rua et Eduardo Duhalde [7]. Soulignons que, dans le débat 
        existentiel, il arrive qu'une certaine réalité soit omise 
        par l'honune d'Etat lors de la prise de décision. Il s'agit du 
        fait que le MERCOSUR est bien plus qu'un processus d'intégration; 
        c'est le nom d'une région qui coexistera avec ses pays membres 
        même si les engagements du Traité d'Asunci6n venaient à 
        disparaître. Les décideurs politiques ne peuvent sous-estimer 
        l'impact politique et économique issu de la principale réussite 
        de l'association: le développement d'un espace de paix et de coopération 
        entre des nations contiguës irradiant l'Amérique du Sud de 
        ses bienfaits. Il est acquis que pour ces nations, l'alternative à 
        la logique de l'intégration est celle de la fragmentation. En ce 
        sens, l'expérience européenne est édifiante. La dilution 
        du MERCOSUR pourrait occasionner des effets incalculables sur la stabilité 
        de l'Amérique du Sud. Cette réalité est également 
        perçue par les opinions publiques des quatre pays membres qui continuent 
        de se manifester en faveur de l'aspect stratégique du MERCOSUR, 
        bien qu'elles désavouent les méthodologies de l'intégration 
        suivies ces dernières années.  La dimension méthodologique ou instrwnentale est également 
        liée aux méthodes utilisées pour développer 
        le MERCOSUR, incluant les mécanismes de décision, les techniques 
        d'intégration de marchés - union douanière ou zone 
        de libre-échange - et la qualité des règles du jeu. 
        Actuellement, c'est cette dernière dimension qui demande le plus 
        d'attention.  Il serait intéressant d'approfondir le débat au sujet des 
        quatre piliers de base du processus portant sur la nature du MERCOSUR. 
        Ces derniers se retrouvent également dans d'autres espaces régionaux 
        qui cherchent à intégrer de manière systématique 
        et permanente leurs marchés respectifs, quelles que soient les 
        techniques utilisées pour réaliser l'objectif poursuivi, 
        comme par exemple une zone de libre-échange ou une union douanière. 
       Ces piliers pourraient être résumés de la manière 
        suivante comment renforcer la confiance et la loyauté entre les 
        membres en se basant sur des Întérêts et des bénéfices 
        mutuels; comment approfondir le principe de la préférence 
        économique tout en demeurant conforme à l'article XXIV du 
        GATT-1994 (article qui définit de manière large et ambiguë 
        les conditions à remplir tant par les zones de libre-échange 
        que par les unions douanières); comment garantir un minimum de 
        discipline collective par rapport à des règles du jeu qui 
        soient tant prévisibles, c'està-dire respectées, 
        que flexibles, autrement dit qui permettent des adaptations en fonction 
        des changements de la réalité ou de l'urgence; et enfin, 
        comment perfectionner les méthodes de coordination des intérêts 
        et de résolution des conflits commerciaux à partir d'une 
        meilleure organisation interne de chaque membre pour la participation 
        au processus d'intégration?  Un débat sérieux sur la dimension méthodologique 
        et instrumentale du MERCOSUR, qui se traduirait en décisions politiques 
        viables, permettrait d'évacuer les doutes existentiels et de mettre 
        un terme à l'actuelle crise de crédibilité. Il serait 
        possible, le cas échéant, d'atteindre l'objectif original, 
        à savoir développer un contexte favorable à la résolution 
        des multiples défis internes et externes auxquels les membrés 
        sont continuellement confrontés. A l'évidence, un MERCOSUR 
        efficace et crédible nécessite une forte dose de leadership 
        politique et d'imagination technique.  Pour que le débat sur les futures méthodologies de la construction 
        du MERCOSUR puisse déboucher sur des résultats concrets 
        - tirant profit des avancées faites et des leçons engrangées 
        par deux décennies d'intégration - il ne doit pas seulement 
        porter sur les négociations commerciales en cours (OMC, ZLEA, UE) 
        mais également - et surtout - sur la nécessité pour 
        les membres de se préparer à la concurrence issue des espaces 
        économiques impliqués dans de telles négociations. 
       L'avenir du MERCOSUR va dorénavant se définir en fonction 
        de deux axes à caractère politique. Alors que le premier 
        porte sur l'intensité et la qualité de l'alliance stratégique 
        entre l'Argentine et le Brésil, le deuxième est lié 
        aux agendas extérieurs qui occuperont les quatre membres, en particulier 
        en ce qui concerne la sécurité internationale et les négociations 
        commerciales.  Le MERCOSUR et l'alliance stratégique entre l'Argentine et 
        le Brésil: une expérience de deux décennies 
 Depuis sa création, le "MERCOSUR s'est enraciné sur 
        l'alliance stratégique que les deux principales économies 
        sud-américaines, l'Argentine et le Brésil, ont progressivement 
        tissée à partir de 1986, avec les accords bilatéraux 
        conclus par les présidents RaUl Alfonsin et José Sarney. 
       Après deux décennies de construction, l'alliance stratégique 
        entre ces deux pays apparaît solide dans son essence. Elle dispose 
        de racines profondément ancrées dans l'histoire et la géographie. 
        L'expérience accumulée au cours de ces années offre 
        de nombreuses leçons qui, bien exploitées, permettraient 
        de poursuivre sa construction, prenant en compte les opportunités 
        et les défis que le phénomène de la globalisation 
        [8] présente à chacun des deux pays - dans son expression 
        la plus simple de réduction des barrières spatiales entre 
        les nations au niveau planétaire et d'augrnentationsubstantielle 
        de la perméabilité de toute société à 
        l'influence des facteurs extérieurs [9]. Comme cela a été précédemment souligné, 
        il s'agit d'une alliance qui doit faire face actuellement à une 
        conjoncture difficile du fait, notamment, des défis auxquels sont 
        confrontées les économies de ces deux pays, et tout particulièrement 
        l'Argentine, et qui exigent des adaptations créatives au sein du 
        MERCOSUR. 
 L'ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement 
        Cardoso, Celso Lafer, analyse deux dimensions de la trajectoire commune 
        des deux principales nations de l'espace sud-américain par leur 
        taille et leur capacité d'attraction [10].
 Une première dimension porte sur les fotces profondes qui ont 
        suscité l'idée de construire une alliance stratégique 
        entre ces deux pays, avec l'appui constant de leurs opinions publiques 
        respectives. En étudiant, dans l'histoire du XXe siècle, 
        les initiatives ayant conduit d'abord au programme bilatéral d'intégration 
        entre l'Argentine et le Brésil et ensuite à la création 
        du MERCOSUR, C. Lafer constate en s'inspirant de Bobbio, que l'histoire 
        ne se reproduit pas ex novo tous les dix ans. Elle est, au contraire, 
        la conséquence d'un processus d'accumulation d'expériences 
        à travers les années. Pour illustrer ses propos, il souligne 
        le chemin balisé des pensées d'illustres Brésiliens 
        qui se sont prononcés en faveur d'une relation spéciale 
        entre les deux nations à l'instar d'un Rui Barbosa [11] et d'un 
        Baron de Rio Branco promouvant le Traité de cordiale intelligence 
        entre l'Argentine, le Brésil et le Chili -l'ABC- comme instrument 
        permettant de garantir la paix et de stimuler le progrès de l'Amérique 
        du Sud. Outre l'impulsion politique de leaders du calibre de Roca et de 
        Campos Salles à l'aube du XXe siècle, et de Kubistscek et 
        Frondizi durant les années 1950, ce chemin fut également 
        nourri par des antécédents lointains.  Le maintien de cette orientation stratégique, tracée à 
        partir de la deuxième moitié des années 1980 et poursuivie 
        avec la création du MERCOSUR, semble être la principale leçon 
        qui peut être tirée de ces deux décennies, comme cela 
        a été le cas pour la construction européenne qui 
        débuta durant les années 1950.  Une alliance stratégique solide et transcendante ne peut s'expliquer 
        ni se rompre par une conjoncture. Elle s'envisage à long terme 
        et tire progressivement sa source du leadership politique et de la participation 
        active des sociétés respectives. il s'agit avant tout d'un 
        projet culturel qui agit sur les valeurs et l'imaginaire collectif des 
        peuples concernés. Par conséquent, on ne devrait pas revenir 
        constamment sur un débat "existentiel" portant sur le 
        sens du projet commnn, m,us bien sur nn débat "instrumental" 
        qui s'interroge sur les meilleurs moyens de concrétiser le projet 
        à travers le temps et tenant compte des changements naturels de 
        circonstances tant extérieures qu'intérieures. Celles-ci 
        ayant souvent été le résultat des effets engendrés 
        par le processus d'intégration lui-même.  Une deuxième dimension de la trajectoire commnne se réfère 
        à la gestion des conjonctures dans le cadre du projet d'intégration, 
        surtout quand elles sont porteuses de grandes difficultés voire 
        même d'effets centrifuges potentiels. Cela implique, sur base d'nne 
        alliance solide répondant à des forces profondes qui agissent 
        en faveur de l'intégration de la région, nne gestion habile 
        des défis qui se présentent à nn MERCOSUR ouvert 
        au monde et à la construction d'nn espace sudaméricain dans 
        lequel prédominent la paix, la stabilité, la démocratie 
        et, en conséquence, le progrès et le bien-être de 
        ses populations.  Le MERCOSUR a déjà acquis la dimension supeneure d'nne 
        politique d'Etat lancée depuis les années 1980, et jusqu'à 
        présent ininterrompue, par les présidents de l'Argentine 
        et du Brésil dans nn cadre de légitimité démocratique. 
        Comme l'indique C. Lafer, il ne s'agit pas d'nn simple "contrat commercial" 
        mais au 'ton traire d'nn contrat multidimensionnel, social, politique 
        et culturel, préservant les identités nationales respectives, 
        et dont l'axe fondamental réside dans l'objectif commnn de la construction 
        d'nn cadre régional -favorable à la consolidation des processus 
        démocratiques, à nne modernisation économique visant 
        nne plus grande cohésion sociale, et à la mise en place 
        d'une plateforme efficace pour mieux négocier et faire face à 
        la concurrence hémisphérique et globale.  Il s'agit donc d'un pacte volontaire entre nations souveraines, ayant 
        pour objectif de perdurer, et construit à partir, non pas d'une 
        hypothétique rationalité supranationale, mais des intérêts 
        nationaux respectifs, insérés de manière dynamique 
        dans la perspective de la définition d'objectifs, de règles 
        du jeu et de disciplines communs.  La combinaison d'une vision du futur, d'une solidarité face aux 
        problèmes que chaque pays doit affronter et les adaptations créatives 
        par rapport aux règles du jeu librement consenties constituent 
        les éléments centraux d'une politique permettant de garantir 
        à travers le temps la construction d'une alliance binationale et 
        d'affronter les défis que les pays du MERCOSUR devront relever 
        dans l'avenir, surtout en ce qui concerne l'agenda extérieur. Il s'agit donc d'une tâche de longue haleine qui exige de reconnaître 
        que, dans un monde globalisé, les intérêts de chaque 
        membre ne s'épuisent dans aucune alliance, même au sein de 
        celles qui semblent plus privilégiées, mais. s'insèrent 
        dans un cadre large et varié de relations extérieures avec 
        un grand nombre de pays et de régions. Cela a toujours été 
        très clair, l'alliance entre l'Argentine et le Brésil n'est 
        ni exclusive ni excluante - à l'instar de l'alliance stratégique 
        qui existe entre les nations membres de l'UE. Il s'agit d'une partie significative 
        du réseau d'alliances extérieures qui exigent un caractère 
        de compatibilité de manière continue et dynamique.  Si la politique extérieure réside en l'art de traduire 
        les nécessités internes en possibilités externes, 
        l'exercice commun de cet art entre une paire ou un groupe de pays~ atteint 
        des niveaux de grande complexité et attend des protagonistes une 
        stature intellectuelle et politique particulière. Cela suppose 
        le développement commun d'une méthodologie de concertation 
        particulièrement soucieuse de la forme et du contenu. Dans des 
        pays à régime présidentiel, comme l'Argentine et 
        le Brésil, cela suppose également un degré de communication 
        et de confiance réciproque entre les présidents, ainsi qu'entre 
        les secteurs dirigeants des deux pays.  Les agendas extérieurs comme facteur d'incitation et de renforcement 
        de l'alliance stratégique  Les actuels présidents argentin et brésilien sont confrontés 
        à des défis très similaires en ce qui concerne leur 
        agenda de politique extérieure. Ceci pourrait constituer un facteur 
        favorable au renforcèment de l'esprit et de la logique d'intégration 
        entre les deux pays; une forme de noyau dur de la construction d'un espace 
        sud-américain de paix, de stabilité et de démocratie. 
       Cela pourrait également engendrer d'importantes dissensions qui 
        résulteraient d'approches, de perceptions et de stratégies 
        divergentes par rapport à des situations concrètes. Des 
        intérêts opposés pourraient surgir, comme cela s'est 
        déjà produit à plusieurs reprises dans le cas européen. 
        Mais ceux-ci ne devraient pas nécessairement mener à une 
        remise en cause de l'essence même de l'alliance stratégique 
        qui alimente politiquement le MERCOSUR.  Ces divergences pourraient découler de facteurs conjoncturels 
        et structurels qui différencient les deux pays quant à leur 
        insertion internationale. Ainsi, dans les prochaines années, l'Argentine 
        va devoir renégo cier sa dette extérieure à partir 
        de sa situation de défaut de paiement qui pèsera durant 
        un temps sur sa crédibilité internationale et sur sa vulnérabilité 
        financière extérieure. En outre, il est probable que le 
        Brésil, pour des raisons de voisinage, suive avec plus d'attention 
        l'évolution du conflit colombien - et éventuellement d'autres 
        pays de "l'arc andin". Il lui sera difficile d'éviter 
        que ce genre de conflit n'ait pas de croissantes connotations internes. 
        
 Les intérêts divergents potentiels rendent plus nécessaire 
        encore le développement d'un climat de loyauté et de confiance 
        réciproque ainsi que la valorisation de la connaissance mutuelle 
        entre les protagonistes concernés de chacune des sociétés 
        civiles, afin d'éviter que ne se produise entre les membres des 
        effets centrifuges qualifiés par l'ancien président Cardoso 
        de " dissonance cognitive" (distance entre une réalité 
        et la connaissance dominante sur celle-ci). A ce propos, le MERCOSUR pourrait 
        s'inspirer de l'expérience européenne en matière 
        de connexion entre les sociétés civiles respectives et, 
        en particulier, sur le plan académique et culturel. Par ailleurs, 
        il est possible de cerner les éléments communs qui domineront 
        les agendas des deux grands membres du bloc. Pour le moins, quatre grands 
        thèmes retiendront l'attention de Brasilia et de Buenos Aires durant 
        les quatre prochaines années, c'est-à-dire durant les périodes 
        d'élections présidentielles qui ont débuté 
        en 2003.
 Le premier thème majeur est lié à l'agenda post 
        11 septembre 2001 et à l'après guerre en Irak ainsi qu'au 
        renforcement de l'action multilatérale dans le système international, 
        tant sur le plan financier que sur celui de la sécurité. 
        Certaines questions réclameront des réponses intelligentes, 
        exprimées en terme de politique extérieure efficace et pourvues 
        d'un degré de concertation élevé.  Quelques unes d'entre elles se réferent au thème de la 
        violence et de la sécurité sur le plan international. Les 
        problèmes suivant sont les lus saillants: comment préserver 
        un espace suffisamment large pour l'action des institutions multilatérales 
        dans un système international qui s'oppose à une tendance 
        croissante à l'unilatéralisme, surtout de la part de la 
        principale puissance mondiale? Comment faire en sorte que les réponses 
        multilatérales, basées sur une attitude responsable des 
        grandes régions organisées, soient plus efficaces face aux 
        défis que-les micropôles de violence - agissant souvent en 
        réseaux. - posent à la gouvernance du système international. 
        et à la viabilité de la démocratie?  D'autres questions portent sur le thème du financement international. 
        A ce sujet, la question centrale serait: comment générer 
        des politiques et des instruments multilatéraux qui permettraient 
        de neutraliser les effets déstabilisateurs produits par la volatilité 
        financière internationale dans les pays en développement? 
       Dans les deux cas, tant par rapport au problème de la sécurité 
        internationale que par rapport à celui du financement extérieur, 
        l'action commune des membres du MERCOSUR nécessitera l'établissement 
        d'un haut degré de communication réciproque tant sur le 
        plan interne qu'externe, et ce afin de gérer avec efficacité 
        les situations critiques émergeant dans les pays d'Amérique 
        du Sud et la région dans son ensemble.  Le deuxième grand thème porte sur la paix et la stabilité 
        politique dans l'espace sud-américain. Il est incontestable que 
        dans certains régimes politiques, tels que ceux de l'arc andin, 
        les fractures sociales, actuelles ou potentielles, conduisent ou peuvent 
        conduire à un questionnement violent de la légitimité 
        démocratique [12].  A ce sujet deux questions prioritaires font surface: comment obtenir 
        des réponses à la fois rationnelles et efficaces, selon 
        la logique des valeurs démocratiques, pour des problèmes 
        profondément enracinés sur le plan social? Comment faire 
        pour que les démocraties les plus stables d'Amérique du 
        Sud - en particulier l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay - puissent 
        apporter, de manière compréhensive et solidaire, des éléments 
        à la solution des problèmes des pays voisins; problèmes 
        qui pourraient à terme affecter le reste de la région. La 
        solution à cette double équation sera d'autant plus difficile 
        à apporter si la logique de la violence prédomine dans les 
        réponses en provenance de l'hémisphère. La qualité 
        et la franchise du dialogue avec les Etats-Unis, mais également 
        avec l'UE, seront un élément décisif dans l'efficacité 
        de l'action nécessaire pour renforcer les possibilités d'un 
        espace sud-américain de paix, de stabilité politique et 
        de démocratie. Le troisième thème d'importance est lié aux négociations 
        commerciales internationales auxquelles participeront activement les pays 
        du MERCOSUR durant la période 2003-2004. Le Brésil prendra 
        une responsabilité spéciale dans les négociations 
        avec les Etats-Unis que ce soit dans le cadre du projet des Amériques 
        ou du " 4+ 1 ", du fait de sa dimension économique et 
        aussi du fait qu'il exerce avec Washington la coprésidence des 
        négociations de la ZLEA durant la phase finale en cours. La tentation 
        d'une entente bilatérale ne peut être ignorée et, 
        le cas échéant, elle devrait être contrôlée. 
        Mais avec l'Argentine et ses autres partenaires, le Brésil aura 
        également la possibilité d'exercer une influence significative 
        sur l'issue des négociations de l'OMC et surtout avec l'UE mais 
        pas exclusivement - en matière d'accès au marché 
        et des règles du jeu en ce qui concerne l'agriculture et les services. 
        A ce propos subsiste une question essentielle, à savoir comment 
        les négociations commerciales internationales actuelles pourront 
        être conclues tout en engendrant des résultats satisfaisants 
        pour les intérêts nationaux de chacun des pays de la région. 
        La non-participation aux négociations ne semble pas constituer 
        une option raisonnable, vu que certains pays et régions sont occupés 
        à négocier et même de conclure des accords de libre-échange 
        avec les Etats-Unis et l'UE. Le grand défi de ces deux prochaines 
        années sera donc de négocier correctement, ce qui est loin 
        d'être acquis étant donné les tendances protectionnistes 
        que l'on continue d'observer dans les pays industrialisés, surtout 
        en matière agricole.  Dès le départ, le MERCOSUR a privilégié une 
        approche multipolaire, ce qui implique la prise en considération 
        de tous les fronts de négociation, plus particulièrement 
        ceux de l'OMC, de l'ALADI (Accord . latino-américain d'intégration), 
        de la ZLEA et de l'UE. Il s'agit de négociations qui sont entrées 
        en 2003 dans une phase de mise au point, ce qui exige le renforcement 
        de la coordination gouvernementale et la participation de la société 
        civile.  La négociation avec les Etats-Unis requiert une attention prioritaire. 
        Les progrès atteints sur ce front inciteront les Européens 
        à engager une réellè négociation avec le MERCOSUR. 
        En outre, pour les questions plus sensibles propres aux pays du Cône 
        Sud latino-américain - agriculture et défense commerciale 
        - les négociations de l'OMC sont cruciales. 
 La ZLEA et le "4+1" constituent deux voies complémentaires 
        dans les relations que le MERCOSUR entretient avec les Etats-Urus. En 
        ce qui concerne la ZLEA, il est essentiel de prendre en considération 
        le fait que la majorité des pays participants ont déjà 
        signé entre eux des accords de libre-échange (ALE). C'est 
        notamment le cas pour les EtatsUnis, comme l'atteste l'ALENA ou la signature 
        d'un accord avec le Chili, l'Amérique centrale et les Carai.bes, 
        sans parler des systèmes de préférences généralisés 
        qu'ils entretiennent avec les pays andins. Le MERCOSUR a également 
        des ALE - ou va bientôt les signer - avec les membres de l'ALADI. 
        Dans ce 'réseau d'accords, la pièce fondamentale qui manque 
        est celle qui lierait les Etats-Unis et le MERCOSUR. Dans cette hypothèse, 
        l'aboutissement des négociations de la ZLEA impliquerait pour les 
        pays qui, comme le Mexique et le Chili, sont liés par des accords 
        avec les Etats-Unis, le Canada et les pays latino-américains, l'établissement 
        de règles communes et, éventuellement, un approfondissement 
        des préférences obtenues. Mais cela n'ajouterait guère 
        plus à ce qui a déjà été atteint.
 Il serait raisonnable pour le MERCOSUR d'accélérer la négociation 
        avec les Etats-Unis dans le cadre du "4+1" et de participer 
        simultanément à la construction de la ZLEA. Cela permettrait 
        de mettre en uvre une stratégie graduelle qui donnerait des 
        résultats partiels mais équilibrés et laisserait 
        pour la conclusion incertaine des négociations de la ZLEA des objectifs 
        de haute importance dépendant des résultats du round de 
        Doha. Il s'agit, par exemple, du cas des subsides agricoles.  Des négociations individuelles menées entre chaque pays 
        du MERCOSUR et les Etats-Unis pourraient constituer une alternative au 
        "4+1". Cette éventualité fut déjà 
        avancée à différentes reprises par l'Argentine et 
        par l'Uruguay [13]. Il s'agit d'nne tentation qui revient av.ec force 
        et de manière récurrente au Brésil, même après 
        la victoire de Lula, et même si, comparée à la négociation 
        " 4+ 1 ", la formule de négociation individuelle ne présente 
        pas d'avantages. Néanmoins il s'agit d'nne option qui risque d'acquérir 
        plus de poids, particulièrement au Brésil, si les partenaires 
        n'arrivent pas à élaborer une stratégie intelligente 
        pour renforcer sérieusement et de manière crédible 
        le MERCOSUR.  Le quatrième grand thème est lié au :MERCOSUR. Deux 
        questions essentielles se dégagent: quel type d'alliance stratégique 
        régionale mettra-t-on en place pour affronter non setÙement 
        les fronts actuels de négociation, mais surtout les scénarios 
        post-négociations commerciales prévisibles? Quels types 
        de mécanismes et d'instruments permettront de construire un espace 
        MERCOSUR à dimension sud-américaine [14] qui garantisse 
        une préférence économique entre les membres, une 
        certaine prévisibilité en ce qui concerne les règles 
        du jeu, un niveau raisonnable de discipline collective et un cadre de 
        bénéfices mutuels assurant sa viabilité dans le temps, 
        sa crédibilité face aux investisseurs et aux pays tiers, 
        ainsi que sa légitimité auprès des différentes 
        sociétés civiles?  Comme nous l'avons déjà constaté en début 
        d'article, la situation actuelle du :MERCOSUR se caractérise par 
        un certain manque de crédibilité en ce qui concerne son 
        efficacité voire même son devenir. Il semble que le retournement de cette tendance soit devenu prioritaire 
        dans l'agenda commun de l'Argentine et du Brésil. A cet effet, 
        placer la construction du :MERCOSUR et son adaptation aux nouvelles réalités 
        dans la perspective des demandes émanant du cadre de la sécurité 
        et du financement extérieur de l'évolution de "l'agenda 
        11 septembre ", comme dans celle des éventuels scénarios 
        post-négociations commerciales internationales, permettrait le 
        développement d'approches réalistes orientées vers 
        le futur. Ces approches devraient encoùtager la créativité 
        conceptuelle et instrumentale, ainsi qu'une hétérodoxie 
        raisonnable dans le cadre de la permissivité qu'offrent les compromis 
        internationaux pris par les pays du MERCOSUR.  L'importance d'un leadership politique collectif  En ce qui concerne les quatre grands thèmes susmentionnés 
        qui d'ailleurs ne seront pas les seuls pertinents - les actuels gouvernements 
        de l'Argentine et du Brésil devront faire montre de qualités 
        pour exercer un leadership individuel et collectif. De leur créativité 
        et de leur efficacité va dépendre dans une grande mesure 
        la capacité à démontrer que les démocraties 
        d'Amérique du Sud peuvent travailler ensemble et de manière 
        systématique. Une telle collaboration devrait constituer un facteur 
        décisif dans la construction d'un espace sud-américain de 
        stabilité et dans la perception dont ces démocraties font 
        l'objet en tant qu'acteurs de poids dans la région.  Le leadership politique collectif signifie bien plus que la traditionnelle 
        diplomatie présidentielle. Il implique d'élaborer ensemble 
        une voie vers un horizon viable reflétant les intérêts 
        communs des membres et d'avoir la capacité de mobiliser les sociétés 
        au profit d'objectifs privilégiés. En outre, il s'agit d'être 
        'capable de générer un consensus entre les membres et dans 
        leurs opinions publiques respectives afin d'obtenir le soutien social 
        suffisant et la légitimité nécessaire à la 
        voie ainsi tracée.  Les prochains mois permettront d'apprécier à travers les 
        positions concrètes - non seulement rhétoriques - si le 
        nouveau leadership présidentiel des deux grands pays du MERCOSUR 
        aura la capacité d'élaborer des réponses collectives 
        à la mesure des défis. Le plus grand étant probablement 
        celui qui concerne la conciliation entre les demandes respectives internes 
        de chaque société et les demandes émanant de l'environnement 
        régional et mondial. D'autant plus que ce voisinage continuera 
        très certainement à être conditionné par l'incertitude 
        et la volatilité, tant politique que financière, et par 
        les tendances protectionnistes des pays industrialisés, difficiles 
        à maîtriser.  Pour ce qui a trait aux relations bilatérales entre l'Argentine 
        et le Brésil, le principal défi sera de créer un 
        climat de confiance et de loyauté réciproque qui ne pourra 
        se construire qu'à travers une réelle connais sance des 
        intérêts communs et des différences naturelles qui 
        peuvent exister sur le plan des relations internationales. La responsabilité 
        qui attend les nouveaux présidents consiste à maximiser 
        ce qui unit les deux pays et à neutraliser les effets dérivés 
        d'approches parfois différentes. L'incorporation active du Chili 
        en tant que membre à part entière d'un MERCOSUR avec une 
        pratique à la fois flexible et prévisible, en particulier 
        en ce qui concerne le tarif extérieur commun, sera une contribution 
        efficace pour le développement des agendas externes respectifs 
        des quatre prochaines années.  Des questions en suspens  Sur le plan des négociations commerciales internationales, certaines 
        questions sont en attente des réponses qui émergeront des 
        actions concrètes des nouveaux gouvernements. L'une d'elles consiste 
        à se demander si le MERCOSUR pourra dépasser les difficultés 
        actuelles et préserver, non seulement, la possibilité de 
        pouvoir négocier en tant que bloc - ce qui suppose de résoudre, 
        entre autres, le problème de son tarif extérieur commun 
        - mais aussi son identité dans un espace hémisphérique 
        de libre-échange.  Pour y répondre il est nécessaire de passer en revue les 
        scénarios possibles du MERCOSUR, notamment son insertion dans la 
        ZLEA et ses relations avec l'UE. Cet exercice est pertinent pour deux 
        raisons. Premièrement, suite à la réunion ministérielle 
        de la ZLEA à Quito et le triomphe républicain lors des élections 
        parlementaires nordaméricaines en novembre 2002, il est possible 
        d'imaginer que l'administration Bush intensifiera le rythme des négociations 
        du projet des Amériques. Le cas échéant, ceci aurait 
        des répercussions dans la stratégie de négociation 
        de l'UE avec le MERCOSUR. Bien que l'avancement des deux fronts dépendra 
        des négociations agricoles à l'OMC, la cohésion qui 
        sera atteinte entre les actuels gouvernements argentin et brésilien 
        ainsi qu'avec les autres membres, revêtira également une 
        grande importance.  Deuxièmement, face à la stagnation actuelle du MERCOSUR, 
        on perçoit une volonté politique visant à faire de 
        ce bloc une plateforme capable d'affronter la concurrence et les négociations 
        mondiales. C'est du moins ce qui ressort de la rencontre entre les présidents 
        Lula et Duhalde de janvier 2003. L'élection de Kirchner en Argentine 
        à la mi-2003 a permis de continuer sur la voie de l'approfondissement 
        du MERCOSUR. De ce nouveau contexte ont émergé de nouvelles 
        directives qui visent à résoudre les conflits commerciaux 
        en cours et à prendre des initiatives tant au niveau social que 
        sur le plande la coordination macroéconomique.  Trois scénarios peuvent, à tout le moins, être envisagés 
        pour l'avenir du MERCOSUR. Le premier repose sur la stratégie originelle 
        de l'association. Il s'agirait d'un MERCOSUR qui, en dépassant 
        ses limitations, réussirait à développer un espace 
        économique commun - sur le long terme, une union économique 
        et monétaire, concrétisant en 2005 sa participation dans 
        la ZLEA ou, comme variante, un accord "4+1" avec les Etats-Unis 
        - et concluant l'accord interrégional avec rUE. C'est ce scénario 
        qui a été privilégié jusqu'à présent. 
        Il dépend du leadership politique et de l'imagination technique 
        avec lesquels seront appréhendées les carences actuelles 
        tant par rapport à la qualité institutionnelle que par rapport 
        à la discipline collective entre les membres. L'approche flexible 
        d'une union douanière à géométrie variable 
        et à plusieurs vitesses devrait faciliter l'adhésion pleine 
        et entière du Chili dans une échéance raisonnable.
 
 Il s'agit d'un scénario qui pourrait être facilité 
        par un leadership constructif mené par les Etats-Unis, qui valoriserait 
        l'approfondissement du MERCOSUR pour la stabilité démocratique 
        en Amérique du Sud. Ce serait reconnaître un rôle significatif 
        à l'arc andin par rapport au noyau dur des démocraties consolidées 
        en Argentine, au Brésil, au Chili et en Uruguay. Cela pourrait 
        conduire à développer l'idée originale du "4+1 
        " comme pièce nécessaire à la construction d'une 
        ZLEA acceptable, ce qui permettrait d'éviter les remises en question 
        de la légitimité du projet de libre-échange hémisphérique. 
        La valeur politique d'un MERCOSUR de qualité réside dans 
        sa capacité à concilier les tensions culturelles et politiques 
        entre globalisation et identité nationale. Ce scénario, 
        possible et souhaitable, dépend d'une volonté et d'un leadership 
        politiques.
 Le deuxième scénario est celui de la dilution du MERCOSUR 
        dans la ZLEA ou dans un projet alternatif dont les Etats-Unis formeraient 
        l'épicentre. Il suppose la transformation du MERCOSUR en une zone 
        de libre commerce ou le glissement de facto vers une situation de blocage 
        des problèmes critiques des membres, incluant sa dilution formelle 
        en ce qui concerne sa composante commerciale préférentielle. 
        Ce scénario pourrait être complété par des 
        accords bilatéraux conclus par les pays du MERCOSUR tant avec les 
        Etats-Unis qu'avec l'UE. Ce scénario affaiblirait la capacité 
        négociatrice des membres du bloc sud-américain, Brésil 
        inclus, par le déséquilibre entre les négociateurs. 
        En outre, il comporte le risque d'une remise en question de la part de 
        certains pays du MERCOSUR, engendrant des conséquences politiques. 
        Toutefois il pourrait s'avérer bénéfique pour les 
        forces centrifuges que l'on observe en Amérique du Sud. Il s'agit 
        d'un scénario possible et même probable, mais moins souhaitable 
        que le premier.  Finalement, un troisième scénario imaginable est celui 
        d'un MERCOSUR qui continue dans son inertie actuelle, voire avec des amé"liorations 
        cosmétiques, ou encore un bloc renforcé, mais refusant toute 
        négociation raisonnable avec les Etats-Unis et l'UE. Cela équivaudrait 
        à un MERCOSUR introverti et protectionniste, incompatible avec 
        ses principes fondateurs et avec les engagements pris. Il s'agirait d'un 
        tout autre MERCOSUR inconciliable avec les réalités politiques 
        et économiques de ses membres. Dans la pratique, il pourrait conduire 
        au scénario de sa dilution dans lequel certains de ses membres 
        actuels choisiraient d'autres chemins plus en phase avec leurs besoins 
        respectifs. Ce scénario n'est guère souhaitable.  Plus de dix ans après la création du MERCOSUR, un libreéchange 
        hémisphérique et un accord avec l'UE définissent 
        le scénario le plus avantageux durant l'étape fondatrice 
        du bloc sud-américain. Ces initiatives se révèlent 
        complémentaires et s'épaulent mutuellement dans le cadre 
        multipolaire et équilibré de l'OMC Un tel scénario 
        a de fortes chances de l'emporter dans la réalité.  BIBLIOGRAPHIE  Hugueney Filho C, Cardirn C H. (coord.), 2002, Grupo de reflexâo 
        Prospectiva sobre o Mercosul, Brésil, MRE/BID/IPRI/Funag. Lafer C, 2002, "Mudam-se os tempos ", Brésil, FUNAG/IPRI.  Peña F., 2002 (1), "Reflexiones 
        sobre el MERCOSUR y su futuro", in Hugueney Filho C, Cardirn 
        C. H. (coord.), Grupo de Reflexâo Prospectiva sobre o MERCOSUL, 
        Brésil, MRE/BID/IPRI/Funag, pp. 271 et sq. 
 Peña F., 2002 (2), "La 
        Argentina y el Brasil, hoy ", in Rocha D'Angelis W. (coord.), 
        Direito da Integraçao, Brésil, Jurúa Editora.
 Peña F., 2003 (1), "La 
        cuestión de la efectividad de las reglas de juego en el MERCOSUR", 
        rapport réalisé pour la Red MERCOSUR et la Fundaciôn 
        Konrad Adenauer (sous presse).  Peña F., 2003 (2), "La 
        agenda internacional del próximo Presidente argentino", 
        Boletin del Real Instituto Elcano, Argentine, avril. |